Une pièce politique aux allures de comédie musicale

Source: Externe

Une nuit à la présidence est une pièce qui fait sourire, voire clairement rigoler, tout en gardant cet enjeu capital de la pièce qu'est la gouvernance d'un pays en crise.

Le jeu se déroule dans le palais présidentiel d'un chef d'Etat africain. Celui-ci reçoit un investisseur étranger, français en l'occurence, et sa femme croit bon, pour divertir les deux hommes, d'engager quelques artistes. Malheureusement, les choses tourneront vite en la défaveur du peu scrupuleux président lorsque les cinq artistes aborderont chacun leur tour les problèmes du pays.

Nous nous trouvons dans cette pièce face à un décor simpliste : Un buffet de nourriture et d'alcool dans le fond (qui ne sera jamais quitté par ce qui semble être la servante du couple présidentiel), deux canapés aux extrémités gauche et droite de la scène et, au centre, un tapis sur lequel reposent quatre micros, et du matériel audio. Le tout, servi dans un décor sobre ou noir et blanc se mêlent. Derrière sur la scène, des panneaux à moitié transparents révèlent les personnes que l'on est pas censé voir.

La pièce peut paraître longue les premières minutes, lors desquelles nous assistons à une dispute du couple présidentiel, ainsi qu'à l'arrivée de l'investisseur et au début de ses arrangements avec le président. Cependant, l'entrée des artistes fait bouger le tout, et leur premier "acte" musical, sous forme de témoignage nous apporte tout de suite quelques émotions, et l'on se plonge vraiment dans la pièce. Et c'est là la première force de l'oeuvre de Jean-Louis Martinelli ; Les comédiens sont bons, et personnellement engagés politiquement, ce qui donne à leur témoignage une allure de vécu très puissante.

Pour ce qui est du divertissement en lui même, on ne s'ennuie réellement jamais, malgré quelques petites longueurs vite pardonnées. En effet, la trame politique garde tout de même une grande place à la farce, et c'est ainsi qu'on se retrouve avec l'un des artistes complètement ivre sur scène, s'adressant au président dans un langage fortement imbibé. À cela s'ajoutent les agissements d'un président véreux, sans scrupules (Il ira jusqu'à sous-entendre de façon plutôt explicite qu'il est normal que l'une des comédiennes se prostitue pour le bien d'une personne l'ayant aidée), et fortement cliché, mais qui ne cessera de nous rappeler certains faits de société bien réels.

Mais ce qui est génial avec cette pièce, c'est le fait de faire passer des idées par le rire. En effet, la dimension politique est omniprésente, et le metteur en scène parvient l'exploit de l'amplifier, et de la simplifier à travers le chant des artistes, et les pitreries des comédiens. Sont ainsi abordés des thèmes majeurs tels que la prostitution, l'économie, le travail etc., et l'on remarque bien évidemment le parallèle entre l'Afrique de la pièce, et l'Europe que l'on connaît.

Hormis les quelques petites longueurs, j'exprimerais juste un petit mécontentement concernant la forme : les comédiens paraissent, disparaissent et se déplacent de façon déstructurée, et cette désorganisation détourne un tant soit peu l'oeil du spectacle.

Cette pièce est donc un formidable parti pris de la part du metteur en scène et de ses comédiens. Les témoignages et les chants nous bouleversent, les farces bercées par un humour plutôt noir, notamment lorsqu'elles proviennent du président joué par Moussa Sanou, nous font rire, et l'on ne perd jamais de vue la dimension politique de l'ensemble, qui interroge la morale et les valeurs, et ouvre les yeux aux désintéressés. Car après tout, l'Afrique d'aujourd'hui n'est elle pas l'Europe de demain ?

[CRITIQUE THEÂTRE] Une nuit à la présidence

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